Repenser la participation nucléaire en Europe

L’Europe marquera ce 24 février 2024 le deuxième anniversaire de la guerre imposée par la Russie à l’Ukraine et au reste du continent, un conflit ayant déjà coûté des centaines de milliers de vies. Le 11 février 2024, près de deux ans après le début de l’invasion, le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de 2024, Donald Trump, se déclarait prêt à « encourager » la Russie à envahir les États membres de l’OTAN dont les dépenses de défense n’atteindraient pas les 2% du PIB.

19 févr. 2024

Résumé

Le désarmement nucléaire est l'objectif à long terme assumé de Volt. En tant que parti, Volt considère toutefois que la seule voie praticable pour y parvenir consiste dans la tenue de discussions multilatérales sur le désarmement. En attendant, il est nécessaire de garantir notre propre sécurité, y compris par la dissuasion nucléaire. Au vu des défis et des incertitudes croissants en matière de politique de sécurité, Volt se déclare favorable à la participation nucléaire et propose d'entamer un dialogue sur la mise en place d'un bouclier nucléaire européen sur la base des armes nucléaires françaises. Il devrait notamment être précisé que la clause européenne d'assistance mutuelle inclut également l’éventuelle utilisation d'armes nucléaires françaises. En outre, des aéronefs français dotés de capacités nucléaires pourraient être déployés en dehors du territoire français, à l'instar de la participation nucléaire de l’Allemagne avec les États-Unis.

Le défi actuel de la sécurité européenne

La participation nucléaire avec les Etats-Unis est toujours considérée comme une partie intégrante de la stratégie de défense et de dissuasion allemande. Les récentes menaces russes sur la possible utilisation d’armes nucléaires soulignent que les armes nucléaires et la nécessité d'une dissuasion nucléaire ne disparaîtront pas de sitôt. Actuellement, l'Allemagne compte uniquement sur les États-Unis. Dans le cadre de la participation nucléaire, des têtes nucléaires américaines sont stationnées en Allemagne et doivent également être larguées par l'armée de l'air allemande en cas d'urgence. Le président français Macron a proposé à plusieurs reprises à ses partenaires européens un dialogue stratégique sur le rôle que les forces nucléaires françaises pourraient jouer dans la politique de sécurité européenne. Jusqu'à présent, la réaction – si tant est qu'il y en ait eu une – a été très sceptique. Il y a pourtant de bonnes raisons d'accepter cette offre de dialogue et de rester ouverts à des options alternatives ou, dans le meilleur des cas, complémentaires au rôle prépondérant joué jusqu'à présent par la participation nucléaire avec les Etats-Unis.

L'Europe perd de plus en plus son importance stratégique pour les Etats-Unis, l'attention des Etats-Unis se portant sur l'Asie, et doit de plus en plus veiller elle-même à sa propre sécurité.

À cela s'ajoute une pression politique interne croissante sur chaque gouvernement américain pour qu'il défende en priorité les intérêts américains. Une pression à laquelle même le transatlantique convaincu Joe Biden ne peut se soustraire – sans parler de Donald Trump.

La participation nucléaire avec les Etats-Unis revêt avant tout une valeur symbolique et politique d'alliance, tandis que son rôle opérationnel doit être considéré comme secondaire depuis l'élargissement de l'OTAN à l'Est. Les armes nucléaires stationnées en Allemagne sont des bombes à gravité qui devraient être larguées par des avions, ce qui serait extrêmement difficile si la défense aérienne (russe) était intacte. En cas d'escalade nucléaire aiguë, les missiles nucléaires et les missiles de croisière seraient décisifs. De plus, la participation nucléaire de la République fédérale allemande ne lui permet pas d'exercer une influence particulière sur la politique nucléaire américaine, ni sur l'utilisation des armes nucléaires américaines. Elle peut refuser le largage d'armes nucléaires par des avions allemands – rien de plus. De même, le groupe de planification nucléaire (GPN) de l'OTAN sert jusqu'à présent principalement aux Etats-Unis à informer leurs alliés européens de leurs décisions.

La France dispose de près de 300 têtes nucléaires. Il s'agit de missiles balistiques répartis sur quatre sous-marins et de missiles de croisière aéroportés. La taille limitée de l'arsenal nucléaire français est l'un des points critiques des sceptiques vis-à-vis d'une participation nucléaire avec la France. En effet, la France ne dispose pas des mêmes options nucléaires échelonnées que les Etats-Unis. L'idée sous-jacente est qu'une dissuasion nucléaire est moins crédible – surtout lorsqu'il s'agit de protéger des alliés – si elle ne s'appuie que sur des armes nucléaires à grande capacité de destruction. Pour répondre à cette logique, les États-Unis souhaitent toujours disposer d'un large éventail d'armes nucléaires de différentes puissances afin de pouvoir réagir de manière proportionnelle aux frappes nucléaires ennemies et ainsi faire porter à l'agresseur le fardeau d'une nouvelle escalade. L'approche de la France, en revanche, peut être décrite comme une dissuasion minimale. Sa doctrine nucléaire prévoit d'infliger à un agresseur des dommages inacceptables pour lui. Macron a déclaré à ce sujet en 2020 à l'École de guerre :

« Si d’aventure un dirigeant d’Etat venait à mésestimer l’attachement viscéral de la France à sa liberté et envisageait de s’en prendre à nos intérêts vitaux, quels qu’ils soient, il doit savoir que nos forces nucléaires sont capables d’infliger des dommages absolument inacceptables sur ses centres de pouvoir, c’est-à-dire sur ses centres névralgiques, politiques, économiques, militaires. »

Contrairement aux Etats-Unis, la France a toujours considéré ses armes nucléaires comme purement politique. Pour la France, ses armes nucléaires sont « un outil indispensable à sa liberté d'action et à son autonomie stratégique ». La France ne prévoit pas de mener une guerre nucléaire échelonnée. Au contraire, ses armes nucléaires constituent la menace ultime et servent donc d'assurance pour sa sécurité et sa liberté d'action.

Lors de son discours, Macron a souligné que « les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne ». L'Europe et l'UE sont des intérêts vitaux pour la France. Il devient de plus en plus discutable d’en dire de même dans le cas des Etats-Unis. La critique évoquée plus haut sur la possibilité d'une dissuasion nucléaire européenne par la France est en outre très spéculative, car les questions de savoir s'il est possible de limiter une guerre nucléaire et de contrôler une escalade nucléaire, ainsi que ce qui est nécessaire pour dissuader un agresseur potentiel, sont finalement sans réponse. Le politologue Peter Rudolf écrit à ce sujet :

« Tant que les armes nucléaires françaises peuvent infliger d'immenses dommages à un agresseur, cela pourrait avoir un impact sur sa perception. Ce qui suffira au final pour la dissuasion est une question à laquelle on ne peut pas vraiment répondre. »

Le fait que la France dispose d'un arsenal nucléaire plus petit et moins diversifié ne signifie pas nécessairement que sa capacité de dissuasion est moindre.

Ouvrir ensemble une perspective européenne

L'Allemagne devrait répondre à l'offre de discussion de Macron afin d'explorer ce qui est exactement envisageable du côté français. La participation de la Bundeswehr aux exercices nucléaires français pourrait être un premier pas. Mais le conseiller politique français François Heisbourg estime qu'une « présence tournante d'avions français en dehors du territoire français » est également possible. Cela serait extrêmement souhaitable en complément de la participation nucléaire avec les États-Unis. C'est pourquoi l'Allemagne devrait prendre les devants et se déclarer prête en premier lieu à ce que des avions français à capacité nucléaire soient stationnés, temporairement ou durablement, sur son territoire, afin de donner plus de crédibilité à la dimension européenne de la dissuasion nucléaire française. D'un point de vue purement opérationnel, cette option serait également plus judicieuse que celle du partage nucléaire avec les États-Unis, puisque les avions français sont équipés de missiles de croisière et non de bombes à gravité. En outre, l'Allemagne devrait s'efforcer de convaincre d'autres pays de l'UE d'entamer des discussions sur ce sujet, ce qui permettrait également de clarifier les questions relatives au partage des charges financières d'un bouclier nucléaire européen. Cela ne devrait pas signifier en même temps l'abandon de la participation nucléaire avec les États-Unis, mais simplement rendre l'Allemagne et l'Europe moins dépendantes des décisions prises à Washington. Dans cette optique, l'Allemagne pourrait, en guise de compromis entre les ambitions françaises et les préoccupations potentielles de l'Europe de l'Est, tenter de stimuler l'adhésion de la France au Groupe de planification nucléaire (NPG) de l'OTAN. Cela permettrait d'intégrer la dimension européenne de la dissuasion nucléaire française dans les structures transatlantiques, sans toutefois restreindre la souveraineté française en matière nucléaire. Ce serait un premier pas pour le pilier européen au sein de l'OTAN, afin que le GPN ne serve plus uniquement de forum aux Etats-Unis pour informer leurs alliés européens de leurs propres décisions. En outre, la France pourrait déclarer publiquement que l'article 42, paragraphe 7, c’est-à-dire la clause d'assistance mutuelle du traité de Lisbonne, inclut également l'utilisation de ses armes nucléaires. Cela donnerait à l'UE – même sans commandement commun – une composante nucléaire.

Volt s'engage en faveur du désarmement nucléaire, soutient le traité de non-prolifération nucléaire et s'engage pour le désarmement mondial des armes nucléaires et autres armes de destruction massive. Nous considérons que la seule voie possible pour plus de sécurité et un désarmement mondial est celle des discussions et des traités multilatéraux sur le désarmement et nous nous opposons clairement aux mesures unilatérales. C'est pourquoi nous nous engageons en faveur d'un dialogue franco-allemand sur le rôle stratégique des armes nucléaires françaises, avec une invitation ouverte aux autres partenaires de l'UE, dans lequel des mesures concrètes, telles que la participation de la Bundeswehr aux exercices nucléaires français ou la présence d'avions français dotés de capacités nucléaires en Allemagne, seraient discutées. Par ailleurs, Volt soutient une initiative franco-allemande visant à préciser que l'article 42, paragraphe 7, du traité de Lisbonne inclut l'utilisation de l'arme nucléaire française. Nous encourageons également un engagement réaffirmé de l'Allemagne dans les projets européens de technologies de défense antimissile, comme le projet Twister, ainsi que dans la défense aérienne en général, afin de protéger les armes nucléaires françaises contre les frappes ennemies de neutralisation, et l'espace aérien européen contre les attaques.

Ce papier de fond est co-produit avec Volt Allemagne.

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