Les 40 ans de l'accord de Schengen : lettre au commissaire Brunner

À l'occasion du 40e anniversaire de l'incroyable accord de Schengen, fidèles à leur engagement de transparence et de défense opiniâtre des règles de la démocratie, nos députés européens demandent publiquement des comptes au commissaire chargé des affaires intérieures et des migrations au sein de la commission européenne.

17 juin 2025
A 3d map of the geography near Schengen

Monsieur le  Commissaire Brunner,

Le 14 juin, l'Europe commémorera le 40e anniversaire de la signature de l'accord de Schengen - un jour historique qui a jeté les bases de l'une des réalisations les plus importantes de l'Europe : la liberté de circulation. 

Cependant, quatre décennies plus tard, l'accord de Schengen est sérieusement menacé. Plusieurs États membres européens, notamment l'Allemagne, ont de plus en plus souvent réintroduit des contrôles aux frontières intérieures, ce qui suscite des inquiétudes quant à l'intégrité du système Schengen.

Le 6 mai, le nouveau gouvernement allemand a ordonné de renforcer les contrôles aux frontières intérieures du pays et de suspendre l'acceptation des demandes d'asile. Cette mesure a été justifiée par le gouvernement allemand en vertu de l'article 72 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et de l'article 18, paragraphe 2, de la loi allemande sur l'asile, qui prévoit des exceptions pour le maintien de l'ordre public et de la sécurité publique. 

Toutefois, comme vous le savez, le champ d'application de l'article 72 a été interprété de manière restrictive par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et est destiné à des circonstances exceptionnelles et strictement définies.

Compte tenu de ce qui précède, nous vous demandons de nous faire part de votre avis sur les points suivants :

1) La justification juridique au titre de l'article 72 du TFUE : Le 2 juin, le tribunal administratif de Berlin a jugé que le rejet des demandes d'asile aux frontières sur la base de l'article 72 était illégal et injustifié. 

La Commission est-elle d'accord avec cette interprétation ? 

Plus précisément, la Commission considère-t-elle que les mesures du gouvernement allemand répondent aux exigences strictes de nécessité et de proportionnalité de la CJUE et que toutes les alternatives moins restrictives ont été épuisées et dûment examinées avant que les mesures ne soient imposées ?

2) Violation du code frontières Schengen : La décision de l'Allemagne est-elle compatible avec l'article 26 du code frontières Schengen, qui exige que toute mesure de contrôle aux frontières intérieures soit nécessaire et proportionnée ? 

En outre, en vertu de l'article 25 bis du code, une « situation exceptionnelle majeure » doit être démontrée pour justifier la réintroduction des contrôles frontaliers. La Commission considère-t-elle que la situation actuelle en Allemagne constitue une telle circonstance? 

À cet égard, la Commission estime-t-elle que l'Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du code frontières Schengen ?

3) Évaluation de l'impact : La Commission a-t-elle procédé à une évaluation de l'impact des précédentes réintroductions par l'Allemagne de contrôles aux frontières intérieures sur les droits fondamentaux, notamment le droit de demander l'asile, la liberté de circulation, et le fonctionnement du marché unique ? 

Dans l'affirmative, la Commission dispose-t-elle des données disponibles sur le site concernant le nombre de personnes affectées par ces mesures ?

Par cette lettre, nous demandons à la Commission d'examiner si l'Allemagne ne viole pas les obligations qui lui incombent en vertu de la législation européenne et de demander officiellement des éclaircissements au gouvernement allemand, dans le but de préserver l'intégrité de l'espace Schengen.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur le commissaire, l'expression de nos salutations distinguées,

Les 5 députés européens de Volt

Damian Boeselager, Kai Tegethoff, Anna Strolenberg, Nela Riehl et Reinier van Lanschot

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