Groupe de Volteurs de l'Île-de-France avec Damian Boeselager

CONCLUSIONS

I. Un régime d’asile véritablement européen

  • Abolir le principe de Dublin de la « première entrée ». Généraliser le mécanisme contraignant les États Membres à accueillir les réfugiés rejoignant le territoire européen selon une clé de répartition obligatoire. Assortir cette mesure d’un système efficace de pénalités automatiques pour les États membres en violation.

  • Introduire par règlement une procédure uniforme de demande d’asile en Europe. À terme, prévoir la mise en place d’une liste européenne unique et contraignante des pays « sûrs » et « non sûrs ».

  • Renforcer les compétences, les capacités et l’indépendance de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA). À terme, l’agence aura pour rôle de créer un statut de réfugié européen, délivré par les autorités décentralisées.

  • Faire de l’activation du mécanisme de protection temporaire – prévu par la directive 2001/55/CE – la règle, et non l’exception.

II. Faire de la détention des demandeurs d’asile une exception extrême

  • Rendre illicite la détention d’une personne au seul motif qu’elle est demandeuse d’asile. Rendre illégale la détention d’une personne mineure.

  • Mettre en place un mécanisme de vérification de la conformité des conditions de détention dans la directive sur les conditions d’accueil.

  • Protéger les demandeuses et demandeurs vulnérables contre les menaces et les violences notamment liées à leur handicap ou leur sexe, en appliquant la notion de « groupe social particulier » au sens de la Convention de Genève.

III. Des procédures simplifiées pour un traitement humain et intégrateur

  • Faciliter le dépôt et le traitement de demande d’asile depuis le territoire français et l’étranger. Mettre en place une procédure accélérée de traitement des demandes des populations en situation de « menace avérée ».

  • Inscrire dans la loi le principe selon lequel la durée de traitement des demandes ne doit pas dépasser six semaines entre l’entrée dans le pays et la première décision.

  • Permettre aux personnes demandant l’asile de travailler après douze semaines suivant le dépôt de leur demande, contre six mois actuellement.

  • Garantir un accompagnement individuel des mineurs par des tuteurs ou assistants dès leur entrée sur le territoire européen.

IV. Reconnaissance du statut de réfugié climatique

  • Défendre la création d’un statut international pour les réfugiés climatiques, conforme au droit international, via une directive européenne

  • Inclure des critères liés au réchauffement climatique et aux catastrophes environnementales à la liste des pays sûrs et non sûrs.

  • Réviser et renforcer l’engagement de la France auprès du Forum mondial sur les réfugiés, de « poursuivre [...] les actions de plaidoyer en faveur des réponses humanitaires vertes ».

V. Désengorger les préfectures

  • Fixer le principe selon lequel la procédure d’instruction des visas par les préfectures ne dépasse pas trois mois. Renforcer les effectifs affectés au traitement des demandes de titres de séjour.

  • Garantir une actualisation régulière des sites Internet des préfectures afin que l’information sur les différentes demandes, les délais de traitement, les pièces demandées et les critères d’éligibilité soit claires et à jour. Fournir les préfectures en points de contact téléphoniques, accessibles a minima en anglais.

  • Simplifier la délivrance d’attestations, notamment en cas de prolongation de l’instruction des dossiers.

  • Garantir la persistance de procédures non dématérialisées en préfecture.

VI. Rationaliser les procédures pour attirer les talents internationaux

  • Généraliser à l’ensemble des États membres et pérenniser le système de « Pool de talents de l’UE », mis en place à titre exploratoire en 2023 dans huit pays.

  • Faciliter l’octroi de visas d’études ainsi que leur renouvellement. Faciliter l’octroi d’un titre de séjour aux titulaires d’un diplôme obtenu en France et disposant d’un contrat de travail.

  • Créer un cadre européen de reconnaissance des qualifications et des compétences acquises hors de l’UE, avec une priorité sur le secteur de la santé.

  • Renforcer le système de « Blue Card » européenne en respectant plusieurs critères, dont un traitement simplifié, une accélération des renouvellements et une facilitation de la naturalisation.

  • À terme, lancer un chantier de réformes en vue de titres de séjour unifiés au niveau européen.

VII. Soulager les secteurs en tension, lutter contre l’exploitation

  • Établir un mécanisme de « pare-feu » entre les juridictions du travail et les organes chargés de la mise en oeuvre de la politique migratoire.

  • Dissocier l’octroi des permis de séjour des décisions des employeurs.

  • Faire passer la durée de validité d’un visa long séjour avec la mention « salarié » pour les personnes ayant signé un CDI de un à trois ans. Faire passer la durée de validité d’une carte de séjour pluriannuelle de quatre à cinq ans.

  • Pérenniser la disposition législative sur les titres de séjour « métiers en tension » en ôtant le pouvoir discrétionnaire d’appréciation des préfectures. Assurer l’effectivité de l’actualisation annuelle de la liste des métiers en tension.

  • Accroître les compétences de l’Autorité européenne du travail (ELA).

  • Créer, à titre expérimental, un visa spécifique de formation des ressortissants des pays tiers.

VIII. Rationaliser la « machine à OQTF »

  • Cesser de délivrer automatiquement des OQTF pour refus d’un dossier/renouvellement de titre de séjour.

  • Recentrer les OQTF sur les étrangers dont la sortie du territoire est prioritaire et que la police aux frontières peut reconduire dans le pays d’origine.

  • Supprimer la possibilité de refus de titre de séjour liée au non-respect d’une OQTF si le manquement résulte de circonstances indépendantes de la volonté de la personne concernée.

  • Prioriser les procédures de départ volontaire : inciter au départ volontaire pour les clandestins en redirigeant les ressources allouées aux OQTF.

IX. Cesser d’instrumentaliser la santé, faire primerdroits humains

  • Fusionner l’AME avec la Protection Universelle Maladie (PUMa), afin de créer une couverture universelle pour celles et ceux qui résident en France.

  • Expérimenter la mise en place un dossier de suivi médical qui inclurait des données personnelles basées sur des identifiants biométriques.

X. Permettre des voies réalistes de régularisation

  • Étendre à trois ans le titre de séjour accordé à un travailleur sans papiers qui travaille dans un « métier sous tension ».

  • Procéder à un plan de régularisation pour les sans-papiers, sur preuve de contrat de travail, pour les parents de mineurs scolarisés, les étudiants et pour toutes celles et ceux qui résident sur le territoire depuis au moins deux ans.

  • Réévaluer le dossier des étrangers qui étaient titulaires d’un titre de séjour avant leur non-renouvellement, sous preuves d’attaches en France (travail, famille).

  • Délivrer un titre de séjour temporaire et renouvelable aux demandeurs d’asile déboutés dont le retour est impossible ou dangereux.

  • Créer au sein des préfectures un guichet unique, dédié au traitement des demandes de délivrance ou de renouvellement de titres de séjour, déposées par des femmes étrangères isolées et sans domicile.

XI. Lex-Frontex : vers une agence fédérale des frontières

  • Renforcer les missions de recherche et de sauvetage (SAR) de l’UE et veiller à ce que ces opérations atténuent ou éliminent les risques liés aux voies d’accès irrégulières. 

  • Partager régulièrement des rapports sur ces opérations avec les membres du Parlement européen et des parlements nationaux.

  • Renforcer le mécanisme de surveillance des droits fondamentaux dans le cadre des plans opérationnels de l’Agence, enquêter systématiquement sur les allégations de violation des droits humains et adopter une politique de tolérance zéro à l’égard du personnel impliqué dans des violations des droits fondamentaux.

XII. Lutte contre le trafic d’être humains, « grande cause européenne »

  • Mettre en place, au niveau européen, une stratégie globale donnant la priorité à l’évaluation des besoins individuels plutôt qu’aux intérêts des services policiers.

  • Améliorer la réponse pénale aux infractions facilitées par la technologie.

XIII. Une simplification administrative réfléchie

  • Fusionner le contrat d’intégration républicaine et le contrat d’engagement à respecter les principes de la République.

  • Rétablir au niveau B1 le niveau de français nécessaire pour obtenir la naturalisation, au lieu du niveau B2 comme aujourd’hui.

XIV. Pour une véritable inclusion sociale et territoriale

  • Créer un fonds d’intégration locale pour répondre aux besoins croissants des villes et des municipalités.

  • Réunir les acteurs locaux afin de trouver des solutions pour soutenir les logements sociaux décentralisés et les autres infrastructures consacrées aux groupes les plus vulnérables. 

  • Expérimenter la mise en place de centres locaux inclusifs, offrant à la fois des services de santé, de formation, d’échanges culturels, d’activités bénévoles, de formation linguistique, de formation continue et de requalifications.

XV. Faciliter l’apprentissage des langues

  • Renforcer l’investissement pour l’apprentissage de la langue française.

  • Renforcer les contrôles des organismes chargés de la formation en français des étrangers en vertu d’un accord ou d’une convention avec l’État.

  • Veiller à ce que tous les mineurs soient accompagnés et puissent s’inscrire à l’école.

  • Favoriser l’apprentissage des langues d’autres grandes régions du monde comme langues optionnelles.

XVI. Sanctuariser le droit au regroupement familial

  • Permettre aux réfugiés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire de bénéficier partout du même droit d’être réunis avec leur famille en vertu de la directive sur le regroupement familial (2003/86/CE).

  • Accorder et renforcer les droits au regroupement familial pour toutes les personnes travailleuses en améliorant la mise en œuvre de la directive.

XVII. Permettre une intégration politique et citoyenne réussie

  • Accorder aux personnes disposant d’un titre de séjour permanent le droit de vote aux élections municipales, régionales et européennes.

  • Faciliter l’accès à la nationalité par le droit du sol pour les enfants d’immigrés qui ont grandi en France.

XVIII. Un « New Deal » pour la Manche

Mesures avancées par Volt France et Volt Royaume-Uni

Au niveau bilatéral et européen

  • Réouvrir l’intégralité des accords existants, dont ceux du Touquet, dans le cadre de conseils des ministres conjoints. Négocier un traité migratoire exhaustif entre Royaume-Uni et Union européenne.

  • Conclure un protocole d’accord selon lequel dans le doute sur la localisation d’un small boat en péril, toute force l’ayant identifié en premier doit intervenir.

  • Accorder un passage direct aux demandeurs d’asile vers le Royaume-Uni.

  • Mettre en place des unités conjointes de patrouille et de surveillance franco-britanniques, en donnant compétence aux forces de l’ordre britanniques de patrouiller sur le territoire français.

Au niveau français

  • Nommer un préfet à l’immigration.

  • Expérimenter la création de lieux de refuge en dur sur la côte française.

  • Mieux surveiller les chaînes d’approvisionnement en matériaux permettant de construire des small boats.

  • Accorder un soin particulier aux populations vulnérables, dont les femmes, en lien avec les associations présentes sur le terrain.

Au niveau du Royaume-Uni

  • Développer une politique plus efficace de visas humanitaires.

  • Lancer un grand débat public sur les besoins du pays en matière d’immigration.

  • Réaffirmer l’attachement inébranlable du Royaume-Uni à la Cour européenne des Droits de l’Homme.

XIX. Juguler la crise mahoraise

  • Refuser toute nouvelle restriction du droit du sol à Mayotte.

  • Renforcer les moyens de surveillance autour de l’île dans la lignée du plan annoncé en 2024, tout en veillant au respect des droits humains.

  • Relocaliser les demandeurs d’asile en Métropole pour soulager Mayotte.

  • Élaborer une stratégie d’action à l’échelle européenne afin de régler définitivement le contentieux avec les Comores et accélérer le retour des Comoriens en situation irrégulière.

XX. Renforcer l’aide au développement

  • Refuser tout accord avec des pays tiers ayant pour objectif d’externaliser la gestion des migrations, et risquant de compromettre gravement l’intégrité physique et morale des personnes réfugiées et leurs droits fondamentaux. Découpler les accords relatifs à la gestion des migrations des autres accords et partenariats conclus avec des pays tiers.

  • À long-terme, combiner et transférer l’ensemble des efforts d’aide au développement à l’Union européenne, dont la politique de développement est au cœur des politiques extérieures.

  • Concevoir et promouvoir un « consensus de Strasbourg » en matière de développement, incluant un volet substantiel dédié à la coopération scientifique et éducative. Ce nouveau consensus sera notamment basé notamment sur  une renégociation de la dette des pays les moins avancés dans le cadre du Club de Paris, la suspension automatique du remboursement des emprunts en cas de catastrophe naturelle de grande ampleur, la refonte de la gouvernance des institutions internationales associant davantage la société civile, et des conditionnalités renforcées.

Conclusions

Les développements du présent Livre blanc offrent des pistes pour éviter les pires scénarios dessinés dans son introduction. L’Europe de 2050 que Volt appelle de ses vœux est toujours possible. Cette Europe est un continent à la fois accueillant, humain et pragmatique, confiant dans ses valeurs, acceptant son histoire, conscient du besoin de son économie, réaliste sur les phénomènes globaux échappant à sa maîtrise, lucide sur le besoin de traiter des défis continentaux par des réponses continentales. Une Europe désireuse d’accueillir et d’intégrer les étrangers dans sa société, sa main-d’œuvre, sa vie démocratique, à travers un chemin facilité vers la pleine citoyenneté et le travail.

L’immigration est un phénomène banal dans l’histoire de l’humanité. Notre richesse d’aujourd’hui – économique, mais aussi politique, culturelle et morale – a été construite par des gouvernements ayant ouvert leurs frontières et leurs sociétés pour que des personnes venues d’ailleurs puissent vivre, travailler et souvent s’installer ici en Europe. Nos villes et villages sont peuplés d’histoires d’intégration à succès, peu vendeuses médiatiquement mais pourtant authentiques. La question reste de savoir si nos gouvernements ont tiré les leçons des efforts passés et réalisent que les migrations ne seront un succès que si elles sont contrôlées au niveau européen et soutenues par des politiques d’intégration. Nous nous sommes efforcés dans le présent document de suggérer des réformes, propositions politiques conciliant réalisme sur le constat, pragmatisme sur les solutions à notre portée, ambition sur la dimension européenne de nombre d’entre elles. Elle ne sont pas un programme électoral, pas plus que ne l’est ce Livre blanc, mais constituent un point de départ pour un débat nourri et éclairé sur cet enjeu.

L’immigration est un enjeu de politique publique, mais également – et naturellement – un enjeu politique, qu’il serait vain de minimiser ou d’écarter. En France comme en Europe, l’immigration constitue le point de cristallisation de frustrations liées aux inégalités économico-sociales, à la peur du déclassement et de la régression, à une incertitude croissante sur notre avenir. Cet enjeu a été capté par les forces populistes et nationalistes, le plus souvent d’extrême-droite, qui axent leur discours et leur communication sur la peur de l’autre et le danger qu’il représente. 

Les tentatives des partis plus modérés de reprendre ce discours et de combattre l’extrémisme par la surenchère, tout en faisant l’économie d’une réflexion approfondie, se sont le plus souvent soldées par des échecs. Mais on l’a également vu, nier le besoin de débattre de l’immigration et des politiques migratoires laisse un « espace d’expression » considérable à des forces politiques qui ne rechignent pas à l’utiliser, voire à l’instrumentaliser.

En France, il reviendra aux forces politiques démocratiques, modérées, progressistes, de relever le défi d’un narratif structuré sur les migrations : à la fois en combattant la désinformation liée au phénomène migratoire, son ampleur et ses conséquences, en reconnaissant l’importance de cet enjeu et en concevant des politiques efficaces et humaines pour y répondre, mais également en comprenant mieux en quoi et pourquoi l’immigration est devenue le point d’ancrage de tensions sociétales dont elle n’est pourtant pas le point d’origine.

Nous pouvons faire de l’immigration une réussite pour toutes et tous, en France et en Europe. Tout commence par une réappropriation du récit, en insistant sur la richesse apportée par l’immigration, sa nécessité pour nos économies, sa permanence à travers l’histoire, et en traitant les questions et problématiques qu’elles induisent, et dont les personnes immigrées sont très souvent les premières victimes. Il restera ensuite à l’Europe, que nous espérons devenir une entité fédérale, démocratique et transparente, d’examiner nos politiques d’intégration avec un regard pragmatique et humaniste, de travailler au local comme au continental, et de s’unir contre la tentation de la « réaction », en bâtissant les politiques migratoires de demain sans transiger sur
nos valeurs.

Remerciements

Le présent Livre blanc est le résultat d’un travail collectif initié par Sven Franck, ancien co-président et chef de file de Volt France aux élections européennes de 2024. Sa finalisation dans sa forme actuelle a été coordonnée par Godfried Akuesson et Charles Nonne, Bill Lanyon, Perrine Richard, Jean-Paul Beconne et Paul Harrassowitz Milburn.

Les auteur·ice·s de ce Livre blanc remercient Giorgio Clarotti, Daphé Le Dunf, Robin Fontaine et Jean-Luc Perron pour leurs remarques et conseils lors des premiers travaux. Nos remerciements vont également à Johanna Schrödl, Ezgi Kuran, Siosi Tameifuna et à Marta Garcia Diaz, policy shapers de Volt Europa, pour leurs très précieux commentaires, ainsi qu’aux équipes de Volt Royaume-Uni, Volt Pays-Bas et Volt Hongrie pour avoir contribué à la relecture et au renforcement des développements spécifiques à leurs pays.

Merci enfin à Anna Strolenberg et à Sophie in ‘t Veld, actuelle et ancienne eurodéputées de Volt au Parlement européen, pour leur soutien sans faille et leurs suggestions et corrections avisées.

Ce Livre blanc a été soumis à la réflexion et à la discussion des membres de Volt France. Les opinions, analyses et propositions exprimées dans le présent document sont celles de ses auteurs et ne reflètent pas nécessairement les positions officielles de Volt.

Je lis le PDF complet