Rejet du projet de loi immigration – un énième texte rate définitivement le coche
Ce lundi 11 décembre, les discussions du projet de loi « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration » viennent d’être interrompues avec le vote par les députés d’une motion de rejet préalable.
Malgré les efforts entrepris par les députés de la majorité présidentielle pour rétablir la philosophie et les équilibres initiaux du projet de loi, ce dernier s’est révélé bien trop modeste pour répondre aux enjeux migratoires, incapable de concevoir ces derniers comme des défis européens, et en large partie conçu pour émettre des signaux symboliques à l’attention de la droite parlementaire.
Nous appelons solennellement le gouvernement à refuser d’accorder de nouvelles concessions à la droite – et aux idées de l’extrême-droite –, et de proposer une nouvelle loi ambitieuse, à la hauteur des enjeux migratoires.
Volt défend depuis ses débuts l’idée que l’immigration participe d’une société et d’une économie dynamiques et prospères. Tel qu’annoncé il y a quelques mois, le projet de loi avait le mérite de placer au cœur des débats l’enjeu de la régularisation et de l’accès au marché du travail dans les secteurs économiques les plus tendus. Il portait également le renforcement de mesures d’intégration. Enfin, il ambitionnait d’assurer une gestion plus décentralisée et plus efficace des demandes d’asile et d’immigration, à la fois pour protéger plus rapidement les demandeurs qui en ont besoin, mais aussi pour identifier et éloigner rapidement les individus qui doivent faire l’objet d’obligations de quitter le territoire. Cependant, loin de réunir les moyens de ses ambitions affichées, le projet rejeté aujourd’hui peinait à prévoir des moyens concrets et effectifs pour répondre aux défis de l’intégration. L’équilibre initialement présenté par le gouvernement était intéressant mais les mesures négociées restaient bien trop limitées, tant en cibles qu’en ampleur, pour offrir une véritable réponse à ces défis.
Volt soutenait entre autres l’ancien article 3, devenu 4bis, qui proposait à titre expérimental la régularisation des travailleurs immigrés dans les métiers en tension, sans les mettre en situation de dépendance vis-à-vis de leur employeur. La version de compromis adoptée en commission par les députés demeurait une avancée notable. La possibilité de travailler immédiatement pour les demandeurs d’asile était également un pas dans la bonne direction pour favoriser leur intégration, mais nous nous interrogeons sur l’intérêt de la limiter à celles et ceux provenant de pays dits « à risque », au lieu de l’étendre à l’ensemble des demandeurs d’asile.
Un effort doit être réalisé au niveau des services en préfecture et des structures d’accueil, afin de rendre plus effective notre volonté d’intégration, notamment en matière d’insertion sociale et d’apprentissage de la langue, plutôt que d’exiger un niveau immédiat de français comme préalable à la délivrance de tout permis de séjour, comme le prévoyait le projet rejeté ce soir. Pour faciliter ce travail, Volt propose de fournir des papiers temporaires à toutes les personnes sans papiers, permettant ainsi d’assurer un suivi administratif plus efficace.
En revanche, Volt regrette que d’autres mesures, certes destinées à réduire le délai de traitement des demandes, comme la généralisation du juge unique dans le cadre des procédures d’instruction des demandes devant la Cour nationale du droit d’asile, aient été conservées en l’état malgré les alertes de la défenseure des droits et de plusieurs syndicats de magistrats. Cette mesure portait atteinte à la collégialité de l’examen des situations personnelles et aux droits des demandeurs d’asile.
De même, Volt condamne fermement la version du texte votée au Sénat, dont l’accumulation indigne de mesures inhumaines, inapplicables ou inefficaces – instauration de quotas annuels votés par le Parlement, fin de l’Aide médicale d’État (AME), limitation du droit du sol – marque une dérive inquiétante du débat politique sur le sujet, où la surenchère devient la boussole au détriment de la raison et des faits.
Au-delà de ces mesures, Volt déplore principalement une approche centrée sur l’échelon national, alors que la gestion des migrations et l’intégration des travailleurs, et plus généralement des populations immigrées, sont des questions qui touchent l’ensemble de l’Europe. C’est le travail de notre eurodéputé, Damian Boeselager, que d’avoir fait aboutir une « Blue Card » européenne – par analogie à la « Green Card » américaine –, une réforme harmonisant l’accès aux marchés du travail des 27 États membres qui permettra de faciliter le recrutement et l’installation de travailleuses et travailleurs qualifiés en Europe, et leur regroupement familial. Nous souhaitons désormais aller plus loin et unifier les politiques migratoires et d’intégration des pays de l’UE. Nous le ferons notamment en examinant l’opportunité de créer une voie d’entrée légale dans l’Union, pour une période d’essai de 6 à 18 mois, afin d’y chercher un emploi. Enfin, nous devons nécessairement répondre aux urgences humanitaires qui se succèdent depuis 2015 en Méditerranée et aux frontières de l’UE, en agissant de manière coordonnée et solidaire pour sauver les vies des personnes qui tentent de rejoindre nos États, et répartir de manière juste l’effort d’accueil et de gestion de l’asile et de l’immigration entre nos territoires.
Volt insiste : il est essentiel de ne pas nous laisser décourager par un discours catastrophiste et trompeur visant l’immigration. L’accumulation des lois sur l’immigration (29 depuis 1980) n’a visiblement pas réussi à résoudre les problématiques liées au sujet. Il est donc temps de construire une politique volontariste et coordonnée au niveau européen pour faire en sorte que les opportunités humaines, culturelles et économiques offertes par les migrations se réalisent pleinement pour notre sécurité et notre prospérité communes. Le vote de la motion de rejet préalable ce 11 décembre est une défaite pour le gouvernement – ce dernier peut se saisir de cet échec, concevoir une nouvelle réforme, mais aussi jouer un rôle constructif et progressiste dans les discussions européennes en cours sur le nouveau Pacte sur la migration et l'asile.