Quelle Europe voulons-nous ?

C’est un fait divers qui nous fait réagir : la création d’un club privé en plein cœur de la capitale française se présentant comme réservé aux “Européens” sans que l’on sache trop sur quels critères la porte est supposée s’ouvrir. Le flou est entretenu pour maintenir un “entre soi” qui semble bel et bien s’identifier à une conception “identitaire” de l’Europe.

Apprendre du passé

Nous réagissons à la représentation de l’Europe que ce cercle promeut, et qui semble avant tout conçue pour exclure de nombreux citoyens européens qui ne correspondent pas à leurs critères, basés sur une image fantasmée. Nous sommes donc alertés par le sens que ce cercle donne à l’identité européenne et par la distorsion de notre histoire commune prônée dans ces réunions.

Alors que ce cercle prône une Europe homogène, rappelons que l’Europe a toujours été plurielle, riche de nombreuses ethnies et cultures cohabitant ensemble, et il y a toujours eu des courants de pensées qui ont voulu priver l’Europe de cette richesse. L’histoire des grandes catastrophes européennes recoupe souvent celle de la discrimination, de l’exclusion, de la répression et même de la destruction sur la base de critères ethniques et/ou religieux de minorités présentées à tort comme étrangères et nuisibles. 

L’Union européenne s'est construite dans la mémoire de ces catastrophes, avec le vœu de ne plus jamais reproduire ces tragédies : l’expulsion des andalous musulmans et des juifs ladinos d’Espagne sous l’Inquisition, la destruction du monde Yiddish avec la Shoah, les nettoyages ethniques perpétrés en Méditerranée ou dans les Balkans entre populations hellénophones et turcophones au tournant du XXe siècle, bosniaques ou kosovares au tournant du XXIe siècle… 

Notre Europe

Nous l’affirmons clairement : l’Europe c’est faire un pas vers l’autre. L’Europe, c’est le choix de l’Union dans la diversité plus que dans l’entre-soi, comme le rappelle sa devise.

Préservons son message d’espoir et d’ouverture, sa promesse de paix dans la diversité. Rappelons qu’avant l’apparition des États nations, notre continent fut longtemps constitué d’entités politiques multiethniques. Ces dernières décennies, l’Europe s’est construite avec des migrations postcoloniales. Le continent européen est depuis fort longtemps une terre d’échanges : économiques, philosophiques, culturels… Et c’est cette ouverture qui a été le ciment du projet européen et a permis de conjurer les ardeurs guerrières des nationalismes.

Le succès du projet européen doit d’ailleurs autant à la vision des pères fondateurs, qu’au travail des mineurs migrants, essentiels dans la CECA naissante. Ces travailleurs migrants ont construit par leur labeur l’Europe d’aujourd’hui et nous aurions tort de l’oublier.