Pas de démocratie sans transparence !

Si nos 5 eurodéputés se sont résignés à voter en faveur de la nouvelle commission, cela ne saurait occulter la responsabilité d'un parlement européen inerte face aux pratiques verticales et opaques de Von der Leyen. Sophie In't Veldt nous le rappelle dans ce billet

4 déc. 2024

Le Parlement fait les politiques, la Commission européenne fait la politique

Ancienne candidate au Parlement européen pour Volt Belgique et députée pendant 20 ans, Sophie in’t Veldt pointe pour nous les dernières évolutions de nos institutions, et appelle le parlement européen à se ressaisir et à exercer pleinement son pouvoir, avec les moyens qui sont les siens actuellement en attendant la réforme nécessaire, prônée par Volt.

Une majorité historiquement étroite du Parlement européen a accordé sa confiance à la nouvelle Commission européenne. Mais une faible majorité reste une majorité, et Von der Leyen II  (VDL II) peut se mettre au travail.

La nouvelle Commission ne s’appuie pas seulement sur une majorité très étroite, mais aussi sur une majorité qui inclut des pans entiers de l’extrême droite. Les déclarations solennelles selon lesquelles « le centre tient » ne peuvent occulter le fait que VDL II  est la Commission la plus à droite jamais constituée. La question est de savoir quelle sera son importance dans la pratique, étant donné que la plupart des partis centristes ont déjà fortement viré à droite ces dernières années.

De nombreux députés européens ont voté contre ou se sont abstenus, en raison de la signature très droitière de VDL II, ou du portefeuille très important confié au commissaire d'extrême droite Fitto. Malheureusement, à ce stade de la procédure, voter contre VDL II est purement symbolique. Même si VDL II avait été rejeté, cela n'aurait en rien changé la composition politique des gouvernements nationaux qui désignent les candidats commissaires. Cela n'aurait pas non plus entraîné de réformes institutionnelles.

Au lieu de cela, le Parlement aurait dû utiliser son levier quinquennal pour renforcer les contrôles et les équilibres et consolider son rôle de chien de garde de la démocratie. Il aurait dû obtenir des engagements de la part de VDL en matière de transparence et de responsabilité. Juste avant que le Parlement ne donne  son feu vert à VDL II, le médiateur européen a émis un réquisitoire cinglant contre VDL I, qui refuse catégoriquement toute transparence sur le tristement célèbre accord sur l’immigration avec la Tunisie. Le Parlement européen a souvent critiqué cet accord, mais il n’a pas fait de la transparence une condition préalable à son vote de confiance. C’est une omission impardonnable.

En ce qui concerne l'accord interinstitutionnel récent entre la Commission et le Parlement, il semble même être en deçà des exigences légales et du Traité en matière de transparence et de responsabilité. Il est difficile de comprendre pourquoi le Parlement a accepté les engagements faibles et vaguement formulés de VDL II en matière de transparence et de responsabilité.

Bien sûr, le Parlement a formellement le pouvoir de destituer la Commission par une motion de censure à un stade ultérieur, mais tout le monde sait que le Parlement n'aura jamais le courage d'appuyer sur le bouton nucléaire.

Il est désormais évident que l’équilibre des pouvoirs s’est déplacé davantage vers le Conseil européen, au détriment du Parlement. Autrement dit : le Parlement fait les politiques, la Commission européenne fait la politique. Le Parlement a volontairement renoncé à une grande partie de son pouvoir (chèrement  acquis). Dans le même temps, au sein de la Commission, un système collégial a été remplacé par un système présidentiel. Von der Leyen est la cheffe incontestée, et les autres commissaires suivent ses ordres. Bien que l’on ne puisse qu’apprécier la détermination de Von der Leyen, il est très malsain pour un dirigeant fort d’être entouré exclusivement de béni-oui-oui et de n’avoir en face de lui qu’un Parlement faible, en particulier compte tenu de l’aversion de Von der Leyen pour la transparence et la responsabilité. La montée des forces antidémocratiques nécessite des institutions démocratiques résilientes et des freins et contrepoids solides. Pendant que le Parlement était distrait par un bras de fer entre groupes politiques sur des questions qui n'auront guère d'importance au cours des cinq prochaines années, la démocratie européenne s'est trouvée encore plus affaiblie.

L'Union européenne n'est pas un système présidentiel mais repose sur la démocratie parlementaire. Toutes les forces démocratiques du Parlement européen et les dirigeants de l'Assemblée doivent être pleinement conscients de leur devoir de demander des comptes à la Commission et de fournir un contrepoids politique au Conseil européen. La démocratie parlementaire doit être pleinement restaurée et renforcée.

En toute transparence

Nos députés expliquent leur raisonnement pour le vote de l'élection du gouvernement de l'UE