EU-xit ou EU-turn ?

L'abandon discret de l'ordre européen

Mercredi, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, prononcera son discours annuel sur l'état de l'Union européenne devant le Parlement européen. Si le discours de cette année sera probablement le même rituel d'autosatisfaction que d'habitude, l'état de l'Union européenne est critique, voire terminal.

8 sept. 2025
Un drapeau européen en lambeaux

À première vue, il semble y avoir des signes d'une (timide) reprise européenne, mais en y regardant de plus près, on constate que la plupart des actions et initiatives contournent et excluent l'UE. Au lieu de renforcer l'UE pour répondre aux grands défis politiques, celle-ci est discrètement démantelée et affaiblie. La façade tient encore debout, mais l'intérieur du bâtiment s'effondre.

Une nouvelle Europe amorphe est en train d'émerger, une Europe sans structures, sans règles et sans freins ni contrepoids. 

Des alliances intergouvernementales ad hoc remplacent les institutions européennes, des accords informels remplacent les accords officiels fondés sur le droit européen, de nouveaux instruments financiers sont créés en dehors du budget européen. 

L'application du droit européen est devenue une monnaie d'échange politique, utilisée dans les négociations avec les gouvernements. Le prochain budget européen sera probablement encore plus insuffisant que le budget actuel, ce qui réduira encore davantage le pouvoir de l'Union européenne. 

Les organes indépendants de l'UE tels que le procureur européen, le contrôleur européen de la protection des données ou le médiateur européen sont en train d'être neutralisés. La mise en œuvre des décisions de justice relatives au droit européen est en forte baisse. Le marché unique est entré dans une phase de « lente agonie ».

En bref : alors que « l'Europe » devient un peu plus active et présente, l'Union européenne en tant que cadre constitutionnel est abandonnée et tombe en décadence. Elle devient une coquille vide. La coopération européenne se faisant davantage sur une base ad hoc et intergouvernementale, l'intégration européenne est au point mort.

Certaines personnes affirment que nous devons être pragmatiques et réagir à des circonstances exceptionnelles, sans nous attarder sur des règles insignifiantes. En effet, dans une situation d'urgence, lorsque les instruments juridiques et constitutionnels habituels ne suffisent pas, l'improvisation et la flexibilité peuvent s'avérer nécessaires. 

Mais cela doit être temporaire et constituer une mesure de dernier recours, qui sera ensuite intégrée dans les traités. Or, nous assistons aujourd'hui à l'inverse : les instruments existants de l'UE sont ignorés, non seulement dans les situations d'urgence, mais aussi, de plus en plus, pour les questions politiques courantes, telles que les politiques migratoires ou climatiques. Au lieu de cela, tout le pouvoir est désormais concentré entre les mains de petits groupes informels de chefs de gouvernement, souvent accompagnés de Mme Von der Leyen. En dehors du cadre de l'UE, ils ne sont pas soumis aux contraintes des contrôles et contrepoids démocratiques.

L'UE fournit un cadre constitutionnel pour l'action européenne. Malgré toutes ses imperfections, elle contient les contrôles et contrepoids nécessaires à une démocratie. Elle prévoit un contrôle démocratique, financier et judiciaire. Elle permet aux citoyens, par le biais d'élections, d'exercer leur droit à l'information et de former un recours juridique contre les actions de l'UE. Elle établit un équilibre entre les institutions, la responsabilité et la séparation des pouvoirs. Elle crée un système dans lequel les pouvoirs sont contrôlés par des contre-pouvoirs.

Si l'on comprend aisément pourquoi les gouvernements nationaux trouvent les règles de l'UE contraignantes, celles-ci ne constituent pas pour autant un carcan inutile, mais bien les remparts de notre État de droit démocratique. Nous faisons preuve d'une négligence et d'une insouciance remarquables à l'égard de nos propres traités européens, tout en nous focalisant sur les attaques de Trump contre la Constitution américaine.

Les rivaux et les ennemis de l'Europe redoutent une UE supranationale puissante. Ils préfèrent de loin une Europe intergouvernementale peu structurée et des contacts bilatéraux avec les dirigeants des gouvernements nationaux.

Nous n'avons pas seulement besoin de nouvelles politiques, nous avons besoin d'une nouvelle politique. Pendant des décennies, nous savions très bien ce qu'il fallait faire pour notre sécurité, notre prospérité et notre liberté, mais la politique nous en a empêchés. Contourner et ignorer les traités européens n'est pas la solution.

Nous avons le choix entre l'EUxit, c'est-à-dire l'abandon de l'UE par l'Europe en tant que foyer constitutionnel, ou un revirement de l'UE, c'est-à-dire un renforcement radical de l'Union européenne. 

L'état de l'Union européenne en 2025 doit annoncer une nouvelle ère d'intégration européenne.


Ceci est une traduction du Substack hebdomadaire de Sophie in´t Veld. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les positions officielles de Volt.

Elle a été élue membre du Parlement européen en 2004, puis réélue en 2009, 2014 et 2019 pour le D66 hollandais. Pour élections européennes de 2024, elle était tête de liste de Volt Belgique.

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