75 ans après sa création, l’Union européenne doit sauver Radio Free Europe
L’administration Trump a annoncé vouloir supprimer les financements d’un des défenseurs de la liberté les plus emblématiques de la guerre froide. L'Union européenne doit prendre le relais dans ce contexte de guerre informationnelle, et utiliser ses propres ressources pour sauver Radio Free Europe. La stabilité de nos démocraties est en jeu.

Au sommet de la Guerre Froide, RFE était l’un des seuls médias diffusant une information non-censurée dans les pays du pacte de Varsovie. Encore aujourd’hui, la radio à but non-lucratif, basée à Prague, touche 47 millions de personnes chaque semaine dans 23 pays et 27 langues. Au cours des 75 dernières années, 19 de ses journalistes ont sacrifié leur vie pour défendre la démocratie et la liberté.
L’administration Trump lance une offensive sans précédent dans le but de démanteler Radio Free Europe. En mars, le président a signé un décret mettant fin au financement de l’US Agency for Global Media, une agence publique américaine dont la RFE dépend directement, mettant ainsi fin à la subvention qui lui était destinée. Le milliardaire Elon Musk a salué la décision, en qualifiant au passage les journalistes de la radio « des fous d’extrême gauche parlant seulement à eux mêmes. »
Les contrats avec la plupart des journalistes et pigistes ont pris fin, des dizaines d’employés de la radio ont été mis en congés forcés, les paiements aux sous-traitants suspendus. Campant sur sa position, l’exécutif américain a remué le couteau dans la plaie début avril, en éteignant un satellite transmettant Radio Free Europe en Russie.
L’Europe est longtemps restée silencieuse, comme si la liberté de la presse sur son propre territoire était une problématique relevant de Washington.
L'abandon d’un acteur essentiel dans la guerre informationnelle
Le rôle de Radio Free Europe est crucial en Asie centrale et en Europe de l’Est. En Europe du Sud-est, comme au Kosovo, en Albanie, en Serbie, en Macédoine du Nord, au Monténégro et en Bosnie-Herzégovine, les programmes de la RFE sont ultra-minoritaires dans un environnement où l’autoritarisme gagne en popularité.
La radio joue un rôle de gardien au sein même de l’UE, dans le contexte d’une Hongrie où la liberté de la presse est démantelée pièce par pièce par le gouvernement d’Orbán. L’existence de médias, comme le programme hongrois de la RFE Szabad Europa, aide à préserver une information transparente, de qualité, et surtout, libre.
RFE demeure un outil de soft-power à ne pas sous-estimer, en particulier quand les agents d’influence russes et chinois mènent une offensive sans précédent sur nos démocraties. Largement financés, ces derniers tentent d’imposer leurs récits et leur désinformation dans les foyers – et les smartphones – européens, au seul profit de régimes antithétiques à nos démocraties.
La décision de l’administration Trump profite seulement à Poutine et Xi Jinping, au moment où les principaux diffuseurs européens, comme France Médias Monde (France 24, RFI), la BBC ou Deutsche Welle, sont en recul.
En comparaison, la Russie dépense près de 1,9 milliard chaque année pour sa machine de propagande, comprenant des médias comme RT, Spoutnik ou VGTRK. La Chine, elle, investit entre 6 et 8 milliards de dollars annuellement dans son influence médiatique mondiale (CGTN, Xinghua, etc.). L’Union européenne ne dispose même pas d’une stratégie médiatique coordonnée, encore moins d’un financement comparable.
L’Union européenne doit prendre la mesure de la situation
Ne soyons pas dupes : si Radio Free Europe venait à disparaître, elle serait immédiatement remplacée par des acteurs hostiles, dont l’objectif serait de tourner les populations européennes et non-européennes contre nos valeurs communes.
Ce n’est qu’une question de semaines avant que l’organisation ne cesse de fonctionner. RFE a besoin de 68 millions d’euros pour continuer à fonctionner jusqu’à octobre, sur les 125 millions d’euros de subventions initialement prévues en 2025. La décision de l’UE de donner 5,5 millions d’euros en urgence est un pas dans la bonne direction, cependant insuffisant.
L’Europe doit envoyer un signal fort prouvant qu’elle est capable d’assumer ses responsabilités. Nous appelons les institutions européennes et les États membres à réagir, avant qu’il ne soit trop tard et que Trump ne donne le coup de grâce à RFE : le déblocage de fonds nécessaires au bon fonctionnement de la radio est essentiel. Nous devons de surcroît élaborer une stratégie fédérale, plus robuste, plus cohérente, pour combattre les agents d’influence hostiles à nos pays.
Il est temps de comprendre que l’Europe ne peut pas rester la grande perdante de la guerre mondiale de l’information.
Volt Albanie, Volt France, Volt Hongrie
Volt Slovénie.
Sources
https://uproxx.com/indie/r-e-m-re-releases-radio-free-europe-2025-benefit-ep/
https://edition.cnn.com/2025/04/29/politics/radio-free-europe-judge-orders-funding/index.html
https://www.nytimes.com/2025/04/29/us/politics/radio-free-europe-funding-trump.html
https://www.nytimes.com/2025/04/16/world/europe/trump-radio-free-europe-liberty.html
https://www.rferl.org/a/czech-eu-rfe-funding-europe-trump-cuts/33351645.html
https://www.thetimes.co.uk/article/bbc-russia-china-world-service-zpgbknz8k