Une silhouette marchant avec une valise le long d'une route très fréquentée, vue de dos

UN NOUVEAU RÉCIT MIGRATOIRE

Le traitement inhumain des réfugiés est l’une des raisons pour lesquelles je me suis lancé dans la politique.

Reinier van Lanschot Eurodéputé Volt

2.1 Un regard particulier sur le phénomène migratoire

En 2025, l’Europe se trouve à la croisée des chemins, entre un sentiment de déclassement parfois mâtiné de sentiments xénophobes, instrumentalisé par une partie de la classe politique française et européenne, et de grands mouvements de solidarité parfois dépourvus de propositions immédiates. Face aux drames humains quotidiens se déroulant dans la Méditerranée, la Manche ou encore la mer Égée, face à la crispation extrême du débat sur l’intégration et l’immigration, souvent arc-bouté sur la question de l’islamisation, et face au vieillissement et au risque de diminution de notre population, nos sociétés doivent trouver une voie d’apaisement.

L’Europe doit être fière d’avoir été à l’origine du système international actuel de régulation des migrations, géré par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), ayant apporté une solution aux 65 millions de réfugiés bloqués en Europe à la suite de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agit d’un héritage que nous devons préserver au nom de la défense des droits fondamentaux.

Notre futur dans le miroir des chiffres : un avenir solitaire et grisonnant

Nous ne croyons pas davantage à l’idée que l’Europe puisse progresser sans migration, avec le seul « volume incompressible » parfois évoqué par les formations d’extrême-droite. Compte-tenu du développement démographique attendu dans les décennies à venir, nous devons être conscients que le report de l’âge de départ à la retraite cessera rapidement d’être une solution miracle pour garantir la stabilité de nos systèmes sociaux. L’absence de réelles négociations avec les partenaires sociaux et l’accouchement dans la douleur de la réforme des retraites de 2023 montrent qu’un futur décalage de l’âge de départ est non seulement peu souhaitable, mais aussi politiquement impossible.

Partout en Europe, nos gouvernements déploient de nombreuses mesures pour s’adapter – allant de l’augmentation du taux d’activité à l’encouragement à la naissance d’enfants, en passant par l’automatisation ou encore le recrutement de travailleurs à l’étranger, comme nous le verrons au chapitre 4. Or, aucune de ces mesures ne semble être une panacée : la participation des femmes sur le marché du travail est déjà élevée en France (70 %). Employer des seniors présente un certain nombre d’obstacles pour les entreprises, les gains potentiels restent sporadiques.

Dans le même temps, les partenaires sociaux – patronat compris – alertent sur un besoin criant de main-d’œuvre, en l’espèce étrangère. La sensibilité politique du sujet, les difficultés administratives et le manque de programmes de formation posent de nombreux obstacles pour attirer et intégrer les immigrés. En Allemagne, plusieurs acteurs publics sont même allés jusqu’à proposer d’instaurer l’anglais comme seconde langue officielle pour faciliter l’intégration.

Tirer notre épingle du jeu dans la concurrence globale pour les migrants

Le récit français sur l’immigration a été en large partie monopolisé par des acteurs politiques opposés au principe même d’une France terre d’accueil. Après avoir axé sa campagne présidentielle et législative de 2017 sur les questions économiques et sociales, le Rassemblement national a recentré son récit et ses idées sur la maîtrise d’une immigration qu’il estime « incontrôlée ». Si ses thèmes de campagnes de 2022 se sont rapprochés du coût de la vie et du pouvoir d’achat, c’est que le sujet migratoire était déjà omniprésent dans le débat public, notamment sous l’impulsion du candidat Eric Zemmour. En réaction, les partis du bloc central et la droite républicaine cherchent à durcir leur discours en jouant une surenchère dangereuse.

Ce n’est pas seulement notre incapacité à attirer, à former et à intégrer les migrants qui assombrit nos perspectives ; la pratique actuelle consistant à dissuader les migrations continuera de forger la réputation future de notre continent en tant qu’hôte hostile. Cela risque de nous coûter cher, à nous comme à notre économie, puisque les talents internationaux favoriseront une installation dans d’autres régions du monde plus accueillantes.

L’avenir est déjà écrit aujourd’hui : il n’y a pas suffisamment de médecins et d’aides-soignants. Les agriculteurs manquent de travailleurs saisonniers. Les commerces de détail et les restaurants manquent de personnel. Les entreprises technologiques perdent des opportunités commerciales car elles ne peuvent pas recruter suffisamment de développeurs qualifiés. Du Canada à l’Australie en passant par l’Asie et le Moyen-Orient, les pays intensifient leurs efforts et leurs politiques pour attirer les migrants, tandis que l’Europe laisse les agendas extrémistes détourner le sujet, au détriment de notre avenir.

2.2 Des politiques migratoires dépassées

Si des réformes sont plus que jamais nécessaires, les initiatives des gouvernements européens et de la Commission européenne s’apparentent davantage à une réaction paniquée à la montée de l’extrême-droite qu’à un véritable souci de s’attaquer aux enjeux-clés des migrations d’aujourd’hui.

En France, la loi immigration de l’hiver 2024 se voulait être un équilibre, d’après le ministre de l’époque Gérald Darmanin qui avait déclaré se vouloir « être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils ». Au final, le projet semble surtout avoir favorisé le récit du Rassemblement national. En 2023 et en 2024, Volt s’était fermement opposé à la philosophie de ce texte, ayant rapidement perdu son « équilibre » pour finir par servir de cheval de Troie aux idées poussées par Bruno Retailleau et Marine Le Pen.

Au niveau européen, Volt s’est également opposé à un plusieurs éléments constitutifs du Pacte Asile & Migration, adopté par l’Union au printemps 2024, et qu’il considère en grande partie inadapté aux défis que nous rencontrons. Le principe de solidarité dans l’accueil des demandeurs d’asile est un premier pas positif, mais il doit être renforcé. Outre des dispositions discutables sur la protection des données personnelles recueillies, notamment via la base Eurodac, la création d’infrastructures de « tri » fait courir le risque d’un système de surveillance massive. Le Pacte renforce le rôle de Frontex sans remettre en question les pratiques illégales de refoulement opérées par l’agence.

Au contraire, il nous faut revoir notre système pour y remettre au cœur les droits humains et la solidarité entre les États de l’Union. Malgré ces dispositions, le paquet doit être désormais mis en œuvre. Ce n’est qu’après avoir assuré cette application effective que nous pourrons légitimement viser à faire intégrer nos propositions lors d’une éventuelle révision du Pacte. Volt souhaite en effet éviter qu’une coalition des droites au Parlement européen ne durcisse les textes adoptés.

Le bilan de Volt au Parlement européen

  • Le Parlement européen sortant (2019-2024) comprenait deux eurodéputés Volt. Dès avant la négociation du pacte Asile et Migration, Volt s’est efforcé de faciliter les migrations de travail. Nos efforts ont ainsi permis de rendre la nouvelle Blue Card européenne plus accessible. Nous avons réduit les charges administratives et les seuils salariaux, tout en garantissant la liberté de circulation au sein de l’UE et des conditions favorables pour les familles rejoignant leurs parents en Europe. La création, puis la mise en œuvre du « EU Talent Pool » (voir chapitre 3) a découlé de notre proposition. Volt a également négocié et obtenu l’adoption des dispositions les plus humaines du Pacte Asile et Migration, à commencer par la Reception Condition Directive » (Directive sur les conditions d’accueil) préconisant des conditions d’accueil respectant la dignité de la personne humaine et de nombreuses protections pour les enfants :

  • Un représentant légal est assigné à tout mineur non accompagné dès la dépose de son dossier. Il s’assure que ses droits sont respectés, fait office de mandataire.

  • Les enfants sont intégrés au système scolaire et de santé. Leur parcours éducatif ne doit pas être interrompu par des déplacements intempestifs.

  • Les enfants ne doivent pas être mis en détention, sauf cas exceptionnels.

  • Cette directive impose que la protection des personnes vulnérables ou fragilisées doit être prise en compte : mineurs non accompagnés, personnes handicapées, personnes ayant subi des violences graves. Elle offre aussi des garde-fous contre la restriction arbitraire des droits humains.

Les accords récents entre l’Union européenne et des pays tiers sont un exemple évident de sous-traitance déléguée des enjeux migratoires, cédant aux pressions créées aux frontières de l’Europe et de l’intérieur : les États membres, au lieu de faire confiance à l’Europe et de lui donner les moyens adéquats pour contrôler les frontières communes ou traiter les demandes d’asile, confient cette responsabilité à d’autres. Dans certains cas, les forces financées par l’Union européenne se rendent responsables de violations flagrantes des droits humains, à commencer par des cas de torture répétés. Volt s’oppose fermement à ces accords, dont l’effet a été d’externaliser le contrôle de nos frontières, sans mettre fin aux drames en Méditerranée. Le chemin de l’externalisation des demandes, suivi entre autres par l’Italie, ne constitue en aucun cas un modèle.

L’Union voit également son principal atout se déliter alors qu’un nombre croissant d’États membres mettent en place des contrôles aux frontières, utilisant l’argument de la pression migratoire, voire de la menace terroriste. Volt défend la fin des contrôles qui, en plus d’être mal utilisés – car non temporaires –, ne répondent pas au véritable problème : la réforme des Accords de Dublin.

S’opposer aux discours populistes et nationalistes : les politiques en France semblent seulement aggraver une situation à la fois précaire pour le succès des migrations et fragile pour notre démocratie. Les émeutes ayant suivi la mort de Nahel M. montrent à quel point notre pays échoue à offrir une perspective aux descendants de générations qui ont été co-acteurs de notre croissance économique et de notre prospérité. Nous discriminons au lieu d’entreprendre des efforts pour éduquer et intégrer.

Jouer à l’autruche sur les problématiques rencontrées par les immigrés et leurs descendants – racisme, discrimination à l’embauche et au logement, pauvreté, violences policières – n’a en rien réglé ces problèmes. Notre politique d’intégration a échoué, ce constat est d’autant plus criant en comparant notre situation à celle de nos voisins, comme au Royaume-Uni où l’Etat s’attaque aux inégalités salariales entre les groupes ethniques.

2.3 Reprendre le récit migratoire aux nationalistes

La canalisation des difficultés socio-économiques

Selon le Centre d’observation de la société, la part de la population « tout à fait ou plutôt d’accord » avec l’affirmation selon laquelle « il y a trop d’immigrés en France » a décru au cours des deux décennies passées : 45 % en 2022, contre 60 % environ au début des années 2000. La proportion de personnes « tout à fait d’accord » a atteint le niveau historiquement bas de 20 % en 2022. Malgré ses inquiétudes, la population française semble avoir davantage accepté la réalité migratoire que les analyses des résultats électoraux ne le laissent supposer. Plusieurs indicateurs corroborent cette tendance : l’indice global de tolérance semble avoir atteint un plateau à plus de 60 points sur 100 depuis quelques années, une nette progression depuis les années 90.

Là où les politiques migratoires doivent notamment s’attaquer aux causes sous-jacentes des déplacements de population – nous le développerons dans le chapitre suivant –, le traitement politique de l’immigration doit reconnaître que celle-ci est souvent le catalyseur de frustrations face à d’autres phénomènes qui n’y sont pas nécessairement liés : le déclassement économique, la désindustrialisation des territoires, la perte du sens de la proximité et de la solidarité dans la communauté, l’accroissement des inégalités économiques. Le sujet migratoire est souvent évoqué dans des territoires ruraux, parfois totalement dépourvus de personnes d’origine étrangère. Faire décroître la sensibilité du sujet migratoire implique de répondre également à ces questions.

Les limites de la surenchère : nous l’avons vu, les différentes initiatives législatives, mais aussi les prises de parole politiques s’opèrent souvent en réaction aux propositions de la droite radicale ou extrême : soit pour la dénoncer ou pour s’en désolidariser, soit pour tenter de la rattraper par des annonces de fermeté. Il nous paraît nécessaire de concilier une nouvelle approche positive des migrations, refusant de traiter l’immigration en premier lieu comme un problème, mais reconnaissant les difficultés qu’une mauvaise politique migratoire peut engendrer.

Des champs politiques distincts : l’immigration est de plus en plus associée à des phénomènes comme l’insécurité, la radicalisation religieuse, la perte de sens de la laïcité, ou encore la montée des incivilités en ville. Nous croyons fermement que ces problématiques nécessitent une action publique et des mesures efficaces, tout en constituant un champ politique distinct de celui d’une politique migratoire. Proposer de régler ces sujets en durcissant la politique migratoire et en compliquant les conditions d’accès à la résidence ou au travail en France constitue une proposition inutile et facile, et n’en règle pas la cause.

2.4 Une politique migratoire fédérale, humaine et efficace

Une perspective fédéraliste et paneuropéenne

Volt défend une approche migratoire paneuropéenne et fédéraliste, tenant compte des enjeux mondiaux. La meilleure entité à même de traiter ces enjeux serait un gouvernement européen démocratique, transparent et représentatif. Un gouvernement que Volt défend depuis sa création, au travers de propositions de réformes institutionnelles. Tous les aspects liés à la politique migratoire n’ont cependant pas vocation à relever du niveau européen : la situation intérieure des États, la diversité des langues et des cultures d’un pays à l’autre, les différences de systèmes éducatifs, judiciaires et sociaux impliquent des dispositifs d’intégration distincts. De même, nos régions et communes, souvent en première ligne de dossiers « chauds », comme à Calais, Mayotte ou dans la mer Égée, doivent disposer de marges d’action dans leurs réponses et leurs politiques locales.

Mais la multiplication des réseaux de passeurs, les drames en Méditerranée, les relations avec les pays tiers ne pourront être effectivement traités qu’avec une approche européenne unie. De même, seule une harmonisation à terme des voies de migration légales et des procédures d’asile permettra une gestion efficace des arrivées à nos frontières. La cohésion de l’Union est essentielle, et ne peut être affaiblie par des initiatives bilatérales juridiquement précaires, politiquement risquées et humainement dangereuses.

Remettre le réfugié, la solidarité et l’intégration au coeur du système

En préambule de toute politique publique nationale ou européenne, Volt propose une refonte de la gestion de l’asile en Europe, généralisant un système de relocalisation déclenché dès l’entrée sur le territoire européen, répartissant les demandes d’asile de manière équitable tout en tenant compte des préférences personnelles de chacun et chacune. Un tel système favoriserait l’intégration immédiate et l’autonomisation des réfugiés et des demandeuses et demandeurs d’asile, en reconnaissant leur potentiel de contribution à la société. Nous détaillerons nos propositions au chapitre suivant.

En outre, nous souhaitons mettre l’accent sur la protection des droits humains en établissant des voies régulières sûres pour les réfugiés et en identifiant plus efficacement les violations de ces droits. De même, reconnaître légalement les réfugiés climatiques garantit le respect des droits humains et permet de mieux anticiper les défis liés aux déplacements forcés.

Accueillir, former et intégrer : un nouveau modèle d’immigration économique

Pour pallier la fragmentation des marchés du travail en Europe et les graves problèmes de compétitivité qu’elle provoque, Volt défend un code européen des migrations, texte législatif et règlement commun à tous les États membres, permettant de gérer efficacement les migrations en comblant les déficits de compétences. Faciliter la mobilité des ressortissantes et ressortissants de pays tiers leur permettra de relever les défis du marché du travail non seulement dans un pays donné, mais aussi dans l’ensemble de l’Union, ce qui bénéficierait à la fois à nos économies et à nos sociétés. Parallèlement, la mise en place de voies légales supplémentaires pour la migration de travail permettra de réduire l’afflux de demandeurs d’asile en Europe.

Volt ambitionne de créer un système efficace qui respecte les droits des travailleuses et travailleurs migrants, stimule la compétitivité et favorise la cohésion sociale. C’est pourquoi nous plaidons en faveur d’un cadre européen uniforme fondé sur des droits, notamment en découplant les permis de séjour des décisions des employeurs, en garantissant les droits au regroupement familial et en facilitant l’accès aux prestations sociales. Ces changements contribueront à rendre le marché du travail plus juste et équitable. Nous souhaitons mettre la priorité sur le traitement des procédures de visas, afin de diminuer drastiquement les délais et faciliter la vie administrative des migrants et étudiants internationaux.

Gestion de l’immigration irrégulière : sortir de la surenchère

Les tours de vis successifs sur l’immigration irrégulière n’ont jusqu’ici pas réussi à assécher les flux. Pire, la politique du chiffre qui vise à distribuer des OQTF sans compter engorge les préfectures, ce qui retarde le renouvellement de visas et conduit à plonger des milliers de personnes dans l’illégalité chaque année. La logique d’expulsion à tout prix arrive à ses limites, au vu de l’engorgement des CRA et du faible taux d’exécution des OQTF dont le coût unitaire avoisine les 14 000 euros.

Face à ces décisions qui mènent à la paralysie du système, Volt propose de remettre notre politique de retours à plat. L’État doit privilégier les retours volontaires des migrants, et construire un plan de régularisation des travailleurs en situation irrégulière présents sur le territoire français. Le renvoi des déboutés du droit d’asile devra se faire dans un cadre européen. Le chapitre suivant détaille également nos propositions en la matière.

Chapitre 3 : NOS PROPOSITIONS POUR GOUVERNER LA MIGRATION

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