Montesquieu orphelin

ou Comment la séparation des pouvoirs est étouffée des deux côtés de l'Atlantique

Nous vivons une période très troublante pour ceux d'entre nous qui restent attachés à la notion traditionnelle de séparation des pouvoirs. Partout où l'on regarde, les frontières entre les trois branches du pouvoir s'estompent. Mais la plupart des gens ne semblent pas s'en rendre compte. Ou s'en soucier.

25 oct. 2025

Pourtant, la séparation des pouvoirs est la pierre angulaire de la démocratie.

Sans elle, il n'y a plus de rempart contre la concentration et l'abus du pouvoir.

Alors que la plupart des Européens constatent avec inquiétude que le Congrès américain est devenu partie intégrante et indissociable de l'administration Trump, approuvant docilement toutes ses décisions, peu semblent remarquer que la situation est pratiquement identique au sein de l'Union européenne.

L'absence d'inquiétude face à l'érosion du Parlement européen en tant que branche indépendante du gouvernement est profondément alarmante.

La politique nationale n'a jamais été totalement absente du Parlement européen, mais jamais auparavant les gouvernements nationaux n'avaient tenté de manière aussi agressive de mettre le Parlement au pas. Nous devrions tous être choqués que les chefs de gouvernement donnent ouvertement des instructions aux groupes politiques au Parlement et que celui-ci soit sanctionné pour ne pas avoir docilement approuvé les souhaits du Conseil européen.

Au lieu de s'opposer fermement à l'ingérence inacceptable des chefs de gouvernement, le Parlement lui-même semble adhérer à l'idée de faire partie du pouvoir exécutif, ses dirigeants encourageant même les gouvernements nationaux à faire pression sur les députés européens et les groupes politiques « afin de garantir que les membres du Parlement européen de leur pays reflètent réellement le programme qui les unit ».

Mais les membres du Parlement européen ne sont pas responsables devant les gouvernements nationaux, mais devant les citoyens européens. Ils doivent garder cela à l'esprit.

Certains chefs de gouvernement se plaignent bruyamment du rejet par le Parlement de leur programme de déréglementation. Mais toute personne soucieuse de la démocratie devrait se réjouir de ce vote, qui constitue un signe rare mais rassurant de l'indépendance du Parlement.

Ce n'est pas le vote du Parlement qui devrait nous inquiéter, mais les tentatives des chefs de gouvernement, avec le soutien de certains dirigeants de l'UE, de démanteler la Trias Politica de l'UE.

La séparation des pouvoirs et les freins et contrepoids ne sont pas moins importants pour l'UE que pour les États-Unis.

Il est illusoire de croire que l'Union européenne, en tant qu'entité politique, est à l'abri des tendances autocratiques et, pire encore, que cela n'a en réalité aucune importance dans la pratique.

Les Américains ont eu tort de négliger leur démocratie, ils ont eu tort de croire qu'elle était suffisamment forte pour résister aux attaques internes. Aujourd'hui, ils en paient le prix (tout comme le reste du monde). Les Européens ne doivent pas commettre la même erreur.

Dépoussiérons nos exemplaires de L'Esprit des lois et veillons à ce que la prochaine révision des traités se concentre avant tout sur le renforcement de la Trias Politica.

Ceci est une traduction du Substack hebdomadaire de Sophie in´t Veld. Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement les positions officielles de Volt.

Elle a été élue membre du Parlement européen en 2004, puis réélue en 2009, 2014 et 2019 pour le D66 hollandais. Pour élections européennes de 2024, elle était tête de liste de Volt Belgique.

La séparation des pouvoirs, c'est quoi au juste ?

Les remous provoqués par l'incarcération d'un homme politique de haut rang condamné par la justice nous incitent à retourner vers les fondements de notre démocratie et à les défendre plus que jamais.